Vous êtes dans une situation de divorce et vous réfléchissez à l’impact financier. La prestation compensatoire en est une et nous allons dans cet article vous donner toutes les clés pour comprendre ce que c’est, qui la verse, qui la reçoit, comment on la verse et les erreurs à ne pas commettre. Nous vous donnerons aussi les statistiques du Ministère de la Justice pour compléter nos propos.
La prestation compensatoire, qu’est ce que c’est ?
Un exemple de la vie de tous les jours…
Vous êtes mariées depuis plusieurs années. Monsieur a quitté son travail pour garder vos deux enfants en bas âge car vous, madame, avez eu la chance d’avoir une carrière brillante (cette fiction existe aussi en inversant madame et monsieur…).
Au bout de 10 ans de mariage, vos chemins se séparent et votre cher et futur-ex vous réclament une prestation compensatoire (connue aussi sous le nom de pension compensatoire ou indemnité compensatoire) de plusieurs milliers d’euros…
Mais en fait, c’est quoi une prestation compensatoire ?
La prestation compensatoire sert à compenser la différence de niveau de vie après le divorce
Cette indemnité compensatoire, c’est une somme d’argent (ou un équivalent) qui devra être versée pour compenser les sacrifices réalisés durant votre mariage et compenser la différence de vie après le divorce.
De façon historique, elle servait à aider la femme au foyer qui avait quitté son travail pour élever les enfants et qui se trouvaient sur le carreau à 50 ans après un long et douloureux divorce.
L’Indemnité compensatoire n’est pas une pension alimentaire !
Comme nous l’avons déjà écrit dans notre article sur la pension alimentaire pour les enfants, il n’existe pas de pension alimentaire pour le conjoint, c’est un mythe.
Durant le mariage, les conjoints se doivent support mutuel, le juge peut donc exiger une pension alimentaire durant la procédure de divorce. Mais une fois divorcés, elle n’existera plus.
Avant 2000, la prestation compensatoire pouvait être versée comme une rente à vie mais ce n’est plus cas, c’est pour cela qu’elle pouvait être assimilée à une pension alimentaire, mais maintenant, c’est fini !
Donc il est temps de ranger vos craintes ou vos désirs issus des séries télé américaine. En France, il y a la pension alimentaire pour les enfants et la prestation compensatoire pour les adultes : c’est TOUT !
De quoi dépend la prestation compensatoire ?
La prestation compensatoire est là pour aider l’époux aux plus faibles ressources à rebondir et retrouver une situation. Le montant versé doit pouvoir lui maintenir un certain niveau de vie pendant une durée donnée.
Le montant prestation compensatoire dépend principalement :
- de la différence de revenus entre les époux
- de leur durée de mariage
- de leur âge
- de leur état de santé (handicap lourd, maladie lourde par exemple)
Mais aussi :
- de la différence de patrimoine respectif (donation, séparation de biens, héritage)
- des sacrifices professionnels consentis durant le mariage
- de leur droit à la retraite
- de leurs charges financières (parent à charge, emprunts par exemple)
Dans le cadre d’un divorce par consentement mutuel, seul les éléments principaux sont généralement prix en compte (différence de revenurs, durée de mariage, âge).
Dans le cas d’un divorce par contentieux, le futur bénéficiaire aura tendance à prendre tous les facteurs pour réclamer le maximum, le créancier (celui qui paye), proposera le minimum. Et généralement, le juge prendra une côte entre l’offre et la demande, sauf en cas d’état de santé grave ou d’âge élevé : dans ce dernier cas, le juge a tendance a vraiment protéger le plus faible et peu demander exceptionnellement une rente viagière !
La prestation compensatoire est-elle automatique ? Quand est versée une indemnité compensatoire ?
La prestation compensatoire est tout sauf automatique car elle dépend de certains critères comme nous l’avons vu dans le paragraphe précédent. Si les deux époux ont des niveaux de vie équivalents, aucune prestation compensatoire ne sera versée même pour faute.
Plus les futurs ex-mariés sont jeunes, avec peu de durée de mariage, plus ils pourront refaire leur vie facilement et donc moins ils ont besoin de prestation compensatoire.
Sachez qu’en 2013, seulement un divorce sur 5 a amené au paiement d’une indemnité compensatoire.
Prestation compensatoire et mariage
Quel que soit votre régime matrimonial (contrat avec séparation de biens, régime de la communauté…), avec ou sans enfant, la prestation compensatoire peut être due s’il y a bien une disparité importante de niveau de vie après le divorce.
Une faute grave (tromperie, abandon du foyer) n’est pas une cause/raison de versement de la prestation compensatoire.
A l’inverse, un comportement fautif grave (multiples tromperies, violences, abandon de domicile) pourrait par contre être considéré comme une cause de non versement : par exemple un mari violent pourrait se voir refuser par le juge une prestation compensatoire de la part de sa femme qui est une victime.
D’une façon générale, de nos jours, les causes du divorce ont de moins en moins d’impact sur le dossier (sauf violences conjugales ou envers les enfants).
La prestation compensatoire peut être due quelles que soit les circonstances du divorce : divorce contentieux ou par consentement mutuel
Indemnité compensatoire et PACS
Vous allez sûrement être surpris(e)…
Le PACS ne donne pas droit à une prestation compensatoire…
C’est une différence notable entre le PACS et le mariage.
Prestation compensatoire et Union Libre
De la même façon que le PACS :
La rupture d’une Union Libre ne donne pas droit à une prestation compensatoire.
Aucun des concubins ne pourra donc la réclamer, sauf cas particulier d’une rupture particulièrement traumatisante.
Le fait de rompre ne pourra donc pas être considéré comme fautif en lui-même, mais la brutalité de cette rupture (avec un impact psychologique majeur), peut être considérée comme fautive.
Calcul et montant de la prestation compensatoire
Il n’existe pas de barème de calcul de la prestation compensatoire, donc chaque situation peut-être considérée comme unique.
Qui fixe le montant de la PENSION compensatoire ?
Le montant de la prestation compensatoire est fixée par le Juge des Affaires Familiales et ce dernier fera part des simulations qu’il a effectué.
Le Juge aux Affaires Familiales (JAF) prendra en compte le montant de la demande de prestation, le montant de l’offre proposée et fixera son montant d’indemnité. Ce montant de prestatation compensatoire est généralement inférieure à celui demandé, sauf si accord entre les futurs ex-époux ou cas de maladie grave ou d’âge avancé.
Si votre ex-conjoint est particulièrement vulnérable, attendez-vous à payer une prestation compensatoire très conséquente, parfois sous forme de rente viagière…
Dans le cas d’un divorce par consentement mutuel à l’amiable, le montant est discuté par l’intermédiaire des avocats et sera écrit dans la convetion de divorce.
Quels sont les critères pour simuler la prestation compensatoire
Comme nous l’avons dit précédemment, les éléments à prendre en compte sont les suivants :
- la différence de salaires entre les époux
- la durée de leur union (mariage)
- l’âge de chacun des époux
- l’état de santé des époux
- la différence de patrimoine respectif (biens acquis hors mariage, séparation de biens, héritage)
- les sacrifices professionnels consentis durant le mariage
- leur droit à la retraite
- leurs charges financières (parent à charge, emprunt par exemple)
Autrement dit, il faut évaluer le besoin du demandeur en fonction de la capacité de l’autre à répondre à cette demande et au bien fondé de la demande.
Il faut noter que plus la durée du mariage est faible, moins la demande de prestation compensatoire sera élevée. Par ailleurs, plus l’un des époux est marié est vieux et sans revenu, plus la prestation compensatoire sera élevée.
Méthode de calcul #1 de la prestation compensatoire
Calcul en 2 étapes
Etape 1 : calculer la différence de revenus annuel brut entre l’époux 1 (donneur) et l’époux 2 (demandeur)
Etape 2 : Prendre 1 tiers de cette valeur et multipliée le par la moitié de la durée du mariage
Exemple d’application
Epoux 1 : 65 000 Euros
Epoux 2 : 45 000 Euros
Durée de Mariage : 15 ans
Prestation compensatoire estimée : ( (65 000 – 45 000) / 3 ) * 15 / 2 = 50 000 €
- Avantages de cette méthode de calcul
– Est très avantageuse pour l’époux qui reçoit la compensation financière, surtout si elle est jeune – considérez cette valeur plutôt comme un maximum si vous avez moins de 50 ans
– Facile à calculer
- Désavantages de cette méthode de calcul
– peu réaliste par rapport à ce qui est réellement versé
– ne prend pas en compte les âges des protagonistes
Méthode de calcul #2 de la prestation compensatoire
Cette méthode a été proposée par Dominique MARTIN SAINT LEON, Conseiller à la Cour d’Appel de Chambéry, Magistrat délégué à la formation et Axel DEPONDT, Notaire
Calcule en 4 étapes
Etape 1 : calculer la différence de revenus mensuel net (avant impôt) entre l’époux 1 (donneur) et l’époux 2 (demandeur)
Etape 2 : diviser par 2 la différence de revenus pour maintenir une parité entre les époux
Etape 3 : Affecter une pondération en fonction de l’âge du demandeur (ou bénéficiaire) et une pondération en fonction de la durée de mariage (voir les 2 tableau suivants)
Etape 4 : la prestation compensatoire est la somme de l’étape 2 multiplié respectivement par le coefficient de l’âge et le coefficient de la durée du mariage
Age du demandeur (bénéficiaire) |
Coefficient Age |
16 à 30 ans | 1 |
31 à 35 ans | 2 |
36 à 40 ans | 3 |
41 à 45 ans | 4 |
46 à 50 ans | 5 |
51 à 55 ans | 6 |
56 à 60 ans | 7 |
61 à 65 ans | 8 |
Tableau du coefficient en fonction de l’âge du bénéficiaire
Durée du mariage | Coefficient Mariage |
0 à 4 ans | 3 |
5 à 9 ans | 6 |
10 à 14 ans | 9 |
15 à 19 ans | 12 |
20 à 24 ans | 15 |
25 à 29 ans | 18 |
30 à 34 ans | 21 |
35 à 39 ans | 24 |
40 à 44 ans | 27 |
45 à 49 ans | 30 |
50 à 54 ans | 33 |
55 à 59 ans | 36 |
60 à 64 ans | 39 |
65 à 69 ans | 42 |
70 à 74 ans | 45 |
75 à 79 ans | 49 |
80 à 84 ans | 50 |
84 à 88 ans | 51 |
Tableau du coefficient en fonction de la durée de mariage
Exemple d’application :
Epoux 1 : 5000 euros par mois, avant impôts sur le revenu
Epoux 2 : 2000 euros par mois avant impôts sur le revenu
Durée de Mariage : 15 ans
Age Epoux 2 : 41 ans
Etape 1: Différence de revenus mensuels : 3000 euros
Etape 2 : Diviser l’écart de revenu par 2 : 1500 euros
Etape 3 :
coefficient age : 4
coefficient duré mariage : 12
– coefficent de pondération est donc de 16 (12+4)
Etape 4 : Calcul de la prestation compensatoire
Prestation calculée = 1500 * 16 = 24 000 euros
- Avantages de cette méthode de calcul
– Equilibre les revenus en prenant en compte la moitié de la différence de revenus
– Prend en compte l’âge des protagonistes
- Désavantages de cette méthode de calcul
– un peu plus longue à calculer
– favorise plus les personnes âgées
Prise en compte de la différence de Patrimoine dans le calcul de la prestation
Pour prendre en compte le patrimoine propre de chaque époux (donation, héritage par exemple), c’est à dire ce qu’il aura en plus que n’aura pas l’autre, il est parfois considéré de prendre 1% de la différence de patrimoine par année de mariage.
Ce complément est vraiment à prendre avec des pincettes et n’est pas une vérité vraie, et ceci pour plusieurs raisons :
- la valeur de l’immobilier peut être très élevée (un appartement dans Paris par exemple) mais ne correspond pas à une réalité de différence de niveau de vie
- disponibilité de capital : la valeur du patrimoine (immobilier notamment) dépend de l’endroit où il se trouve mais pas forcément de la disparité de niveau de vie
Les statistiques sur les prestations compensatoires
Comme vous l’avez vu avec nos simulateurs, il n’y a pas de règle ni de mètre en bois concernant le montant de la prestation compensatoire. Voyons donc un peu quelques statistiques pour poser un peu les pieds sur terre. Nous allons prendre la dernière étude du Ministère de la Justice sur les prestations compensatoires et qui date de 2013 (je sais, ce n’est pas tout jeune, mais ce n’est pas non plus du siècle dernier)…
La prestation compensatoire est-elle généralisée ?
En 2013, 19% des divorces ont conduit à un versement d’une prestation compensatoire, contre 12% en 2004. La tendance est donc clairement à la hausse, mais on ne peut pas parler de généralisation.
Comment échapper à une prestation compensatoire ?
Si le niveau de vie de votre ex-mari ou ex-femme va vraiment chuter après le divorce (forte différence de revenus notamment), vous ne pourrez pas échapper à la prestation compensatoire. En effet, la prestation compensatoire a été ordonnée par un juge dans 84% des cas.
Si vous pensez que votre niveau de vie peut chuter fortement dans l’année qui suit le divorce, vous pouvez demander un versement par rente sur 8 ans par exemple que vous pourrez, le cas échéant, négocier ou suspendre plus tard (passage devant le juge ou chez le notaire s’il s’agit d’un divorce par consentement mutuel).
Qui a droit à une prestation compensatoire ?
Seules 4 % des femmes divorcées sont les débitrices, c’est à dire celles qui versent la prestation (donnée 2013).
Donc dans 96% des cas, c’est la femme a touché une prestation compensatoire de part la baisse de son niveau de vie.
N.B : les femmes touchent plus souvent une prestation compensatoire du au fait que lorsque le divorce requiet le paiement d’une indemnité, c’est souvant la femme qui est pénalisée dans son niveau de vie après le mariage.
Quelle est la valeur moyenne de la prestation compensatoire ?
En 2013, le montant versé en capital numéraire seul était de 25 000 euros, avec seulement 10% des montants au-delà de 100 000 euros.
Comme je le disais précédemment, nous sommes très loin des mythes des divorces à l’américaine.
A noter pour la défiscalisation, en 2022 : la somme maximale est limitée à un montant de 30 500 € (à verser dans l’année du divorce). Seulement 25% sont pris en compte. Autrement dit, même si vous versez 40 000 € , vous ne pourrez défiscaliser que 7625 € de vos impôts sur le revenu (30 500 * 0.25)
Quelque soit le montant versé, vous ne pourrez défiscaliser que 7625 euros sur vos impôts sur le revenu.
Comment est versée la prestation compensatoire ?
La prestation compensatoire peut être versée en une fois (89% des cas en 2013) ou sous forme de rente (11% en 2013.
Si la rente est choisie, elle est sous forme de rente temporaire dans 53% des cas ou sous forme de rente viagière (dans 47% des cas).
La prestation compensatoire peut être versée en numéraire, en donnant un bien ou la jouissance d’un bien par exemple.
Il faut noter que la rente viagière n’est général allouée que dans le cas où les allocataires sont âgées (63 ans en moyenne).
Prestation compensatoire et fiscalité (impôts)
Comment échapper à l’impôt quand vous recevez la prestation compensatoire
Si vous recevez la prestation compensatoire, exigez de la recevoir dans les 12 mois qui suivent votre divorce, au maximum. Au-delà vous serez taxé sur la rente.
A noter aussi que dans le cadre d’un divorce contentieux, la durée maximale de la rente est de 8 ans.
Sauf cas rare de maladie ou d’âge très avancé, la rente si elle est versée sera temporaire dans le temps.
Comment diminuer l’impôt de la prestation compensatoire
Si vous devez verser une prestation compensatoire, vous pourrez défiscaliser 25% du versement, à hauteur de 30 500 euros. Le versement doit être fait dans l’année qui suit le divorce.
Comment négocier votre prestation compensatoire
Comme il n’y a pas de règle de calcul, le montant de la prestation compensatoire est issue d’une négociation.
Essayer de vous mettre d’accord avec votre conjoint
Dans le cadre d’un divorce à l’amiable, il s’agit d’une négociation à 100%
Dans le cadre d’un divorce devant le juge, c’est le juge qui établira la compensation en fonction des montants proposés. Si vous avez pu négocier en amont et que votre futur ex est d’accord, vous devriez pouvoir obtenir peu ou prou ce que vous souhaitez.
Si vous n’arrivez pas à vous mettre d’accord, le juge vous allouera souvent moins que votre demande.
Soyez réaliste sur le montant demandé
Ne cherchez pas à braquer votre conjoint en lui en demandant trop. L’art de la négociation est de bien sûr de partir un peu haut pour converger vers la somme que vous estimez juste. Sachez que 75% des prestations compensatoires sont en dessous de 50 000 euros, avec une médiane vers 25 000 euros. Gardez aussi en tête que 80% des divorces n’aboutissent pas au versement d’une prestation compensatoire.
Pour bien négocier, essayez d’évaluer ce qui est un gros montant pour lui et ce qui fera basculer la discussion dans un “c’est n’importe quoi”. Pensez aussi au seuil des 30 500 euros qui correspondent à l’avantage fiscal.
Enfin n’hésitez pas à troquer la prestation compensatoire par un bien par exemple, ce qui évite de sortir des liquidités.
Demandez un versement le plus rapide possible
Ce que vous voulez, c’est tourner la page. Exigez un versement rapide sur moins d’un an (si possible en une fois) pour pouvoir passer à autre chose. Par ailleurs cela empêchera une révision de la rente ni de devoir reprendre contact si la rente n’est pas versée.
Conclusion
La prestation compensatoire est un vaste sujet et il est assez difficile d’y voir clair.
Pour aider la communauté, indiquez anonymement en commentaire le détail de votre situation et combien vous avez touché ou donné dans votre cas. Merci par avance !